Un serious game (jeu sérieux en français) est un terme qui regroupe les jeux vidéo à vocation sérieuse, éducative ou informative, et qui n'ont pas pour objectif principal le divertissement. La vocation d’un "serious game" est donc de rendre attrayante la dimension sérieuse par une forme, une interaction, des règles et éventuellement des objectifs ludiques. Les serious games sont immersifs, attrayants et fréquement utilisés aussi bien pour la formation que pour le recrutement ou la communication d'une entreprise.
Les serious games ne se substituent en aucun cas aux formateurs, ils sont un support complémentaire permettant de faire passer un message différent.
Serious games : état des lieux
À en croire la dernière conférence organisée par U&L Learning le 14 juin 2011 sur les serious games, le grand soir des jeux sérieux n’est pas encore annoncé. Pas de grand soir, donc, mais néanmoins une série de petits matins qui s’annoncent prometteurs pour le marché du serious game dans la formation.
« Il existe une certaine incohérence entre le bruit médiatique constaté autour des serious games et la taille du marché », constate Michel Diaz, directeur associé du cabinet Fefaur. Un bruit médiatique sans doute appuyé par les quelques "serious games-vitrine", lancés par Thalès ou BNP Paribas, mais qui ne reflètent effectivement pas la réalité du marché.
Concrètement, selon une étude assez complète menée en septembre 2010 par le Fefaur, les serious games représenteraient 3 % du marché du e-learning français, soit environ 5 millions d’euros. Un chiffre modeste, qui pose une certaine réalité. En revanche ce qui caractérise la bonne santé de ce secteur, c’est la croissance du marché du serious games, « une hyper croissance à hauteur de 50 % par an », selon Michel Diaz. Ce qui explique qu’à côté des serious games à gros budget des grandes entreprises, on commence à voir apparaître « des serious games efficaces et accessibles aux PME », note le directeur associé du Fefaur.
Des facteurs de succès
Plusieurs facteurs expliquent cette croissance, en particulier en France. Il y a d’abord les qualités intrinsèques du dispositif. Michel Diaz explique : « Ces jeux sérieux disposent d’une forte capacité à simuler d’aussi près que possible la réalité. Ensuite, il y a aussi ce qu’on appelle la gamification : le jeu nous pousse à faire des choses que, d’ordinaire, nous n’aurions pas envie de faire, en gagnant des points. » Un dispositif qui associe les qualités de l’assessment, du développement des compétences collectives et de l’individualisation des parcours, selon l’intervenant. En résumé, les serious games disposent d’une forte efficacité pédagogique.
L’autre catégorie de facteurs réside dans le contexte du marché français : une industrie du jeu vidéo très développée, qui bénéficie de financements publics conséquents, et associée à une forte culture du jeu dans la société française. Sans oublier la qualité de l’offre qui va croissant, notamment grâce aux progrès technologiques (bande passante, qualité des postes de travail…) et la demande grandissante des apprenants. Michel Diaz appuie : « On peut constater une certaine désaffection pour le e-learning classique, très linéaire, avec des activités de quizz. Les départements formation recherchent donc de nouveaux modes pédagogiques. »
Des freins persistants
« Mais il existe aussi des raisons de ne pas y aller, rappelle le directeur associé du Fefaur. Des obstacles technologiques et organisationnels perdurent. Toutes les entreprises ne sont pas égales face à la qualité de la bande passante et des postes de travail. Certaines interdisent le téléchargement des plugins nécessaires à la mise en œuvre des serious games. » Celui-ci souligne également la difficulté de gérer les priorités entre le temps de travail et le temps de formation : « Le e-learning a résolu une partie de ces problèmes en limitant le temps d’un module à 10 ou 15 minutes pour permettre aux apprenants en front office de gérer le service client et les temps de formation sur le temps de travail. Mais il est plus difficile de limiter le temps dans les serious games. »
Ensuite, si le serious game permet de créer des situations ou l’existant est modélisé, toute les situations ne sont pas modélisables et il ne faut chercher à tout prix à modéliser ce qui ne l’est pas. De même, « jusqu’à quel point de détail faut-il modéliser les processus ? », s’interroge Michel Diaz. Le risque étant de perdre l’apprenant dans le détail, au détriment de l’essentiel.
Des outils qui, par ailleurs, représentent encore un certain investissement financier – même si les prix tendent à diminuer - et humain, notamment en matière de conduite de projet.
Partir des enjeux de formation
Autant d’éléments qui amènent donc l’intervenant à prodiguer quelques conseils pour tirer le meilleur parti des serious games. « Il faut partir des enjeux et se garder du "réflexe serious game", qui consisterait à opter pour cette solution de façon systématique, affirme Michel Diaz. J’ai une problématique formation, parmi l’ensemble des médias formation à disposition, quel est le meilleur agencement pour aller le plus vite possible, faire au mieux et au meilleur prix ? » Celui-ci conseille également de s’interroger sur la façon dont le domaine concerné par la formation est processé, afin de voir si la matière pour développer le serious game est suffisante.
En termes de domaines de formation propices aux serious games, le directeur associé du Fefaur conseille de privilégier les domaines à fort enjeu, comme les problématiques d’hygiène, de santé et de sécurité.
Une véritable gestion de projet
Une fois l’option serious games choisie, reste tout un travail de gestion de projet à engager. « Vous devez réaliser un audit technique avec la DSI sur la puissance des postes de travail partout où le jeu va être utilisé, sur la bande passante, les plugins nécessaires, lance l’intervenant. Il faut ensuite adopter une stratégie et un planning spécifique qui peut s’étaler sur un an et demi à deux ans. » Le chef de projet jouera ici un véritable rôle de chef d’orchestre, « s’assurant du soutien de l’entreprise, de l’appropriation des acteurs internes et externes, quitte à demander une formation pour les acteurs clés. Le chef de projet devra informer et guider les experts, impliquer les futurs apprenants et gérer le projet de façon "Agile", dans certaines limites », poursuit Michel Diaz.
Sur l’élaboration du serious game, mieux vaut choisir un processus, une situation, parmi l’ensemble des processus à inclure, pour établir un prototype et avoir une idée du produit final. « Attention aussi à ne pas être trop ambitieux et à ne pas entrer dans un niveau de détail qui fasse perdre le sens, ajoute l’intervenant. Il faut aussi disposer des actions et des situations avant de développer le décors, car ce dernier et très difficile à refaire une fois le processus engagé. » Une liste de conseils non exhaustive qui offre quelques clés pour s’engager plus sereinement dans la mise en œuvre d’un serious game.
Article issue de FORMAGUIDE